La ville de Nagoya a pour emblème des shachihoko (鯱 ou 鯱鉾), des créatures mythologiques possédant une grande gueule pleine de dents, de gros yeux, un corps couvert d’écailles avec deux paires de nageoires et une queue de poisson. Ce sont les deux figures disposées aux extrémités de la toiture du château de Nagoya.
Protection incendie
Pour commencer, le nom shachihoko est parfois traduit par « marsouin » ou « orque » puisque le caractère pour shachihoko ou shachi (鯱) désigne aussi ce mammifère noir et blanc. Cette créature est aussi appelée « dauphin » en raison de sa ressemblance avec les représentations de dauphins que l’on trouve dans l’art européen.
En décomposant le caractère de son nom (鯱), on pourrait dire que le shachihoko est la fusion d’un poisson (魚) et d’un tigre (虎). L’origine de cet animal n’est pas claire mais on peut supposer qu’il descend d’un animal marin de la mythologie chinoise ou indienne, ayant pour capacité de faire pleuvoir et donc de combattre les incendies. Tout cela explique pourquoi il était évident de retrouver un sachihoko sur les plaques de bouches d’incendie de la ville de Nagoya dont nous allons étudier deux modèles dans cet article.
Le château de Nagoya
Les plaques rectangulaires sont généralement des plaques de bouches d’incendie. Sur cette première plaque, les trois caractères indiquant qu’il s’agit d’une plaque de bouche d’incendie (shôkasen, 消火栓) sont inscrits dans un cartouche au centre de la plaque. Le logo de Nagoya (maru-hachi, ㊇) composé du caractère du chiffre 8 (hachi, 八) dans un cercle est placé en haut au milieu de la plaque. Nous voyons un shachihoko à droite et le château de Nagoya au fond à gauche.
Pour compléter la description, on peut souligner la présence des deux caractères en bas à gauche représenté sur l’eau des douves du château. Ils renvoient à l’eau potable (jôsui, 上水) qui indiquent qu’en plus de pouvoir servir comme bouche d’incendie, la conduite qui se trouve en dessous de cette plaque de regard de chaussée fait partie du réseau d’eau potable.
Restauration du château reconstruit
Le premier château de Nagoya a été construit vers 1525 avant d’être abandonné quand Oda Nobunaga s’installa à Kiyosu, quelques années plus tard. C’est en 1610 qu’un grand château a commencé à être édifié à Nagoya. Ainsi, jusqu’en 1868, le château a été la résidence des Tokugawa d’Owari.
Après la restauration de Meiji (1868), ce château a été utilisé comme résidence de la famille impériale. Il était l’un des mieux conservés à l’époque. Toutefois, son accès était interdit au public jusqu’en 1930 où son administration a été confiée à la ville. C’est ainsi que le 11 février 1931, le château de Nagoya a finalement été ouvert au public. Malheureusement, quelques années plus tard, le donjon du château a été détruit par les bombardements américains, en 1945.
Le château que nous pouvons visiter est le résultat de la reconstruction de 1959. Or, depuis 2015, des travaux de restauration ont commencé afin de remplacer le béton par les matériaux d’origine et redonner au château de Nagoya son aspect d’antan en se basant sur des documents d’archive. La fin des travaux de restauration est programmée pour décembre 2022.
Depuis son ouverture au public, le château est entré dans le cœur des habitants qui lui ont donné plusieurs surnoms. Le premier, Meijô (名城) est la contraction de Nagoyajô (名古屋城 : « château de Nagoya ») en conservant le premier et le dernier caractère. Ce surnom peut aussi signifier « le célèbre château ». Il est également connu sous un autre surnom : Kinkojô ou Kinshachijô (金鯱城), « le château des shachi dorés », parfois abrégé en Kinjô (金城) qui peut également vouloir dire « le château d’or ».
Les shachi dorés
Les shachihoko du château de Nagoya sont plaqués or ce qui leur a valu le surnom affectueux de Kinshachi (金鯱) que l’on peut traduire simplement par « shachi dorés ».
Ci-dessous, une photo et deux gravures où apparaît le shachi de Nagoya envoyé à Vienne en 1873.
Ces shachi dorés sont des chefs-d’œuvre du patrimoine culturel japonais. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’un d’entre eux a été choisi pour être présenté lors de l’Exposition Universelle de Vienne, en 1873 (pic. 1 à 3 ci-dessus). Avant d’être expédiés en Autriche, tous les chefs-d’œuvre sélectionnés pour représenter le savoir-faire et le raffinement du Japon, ont été présentés lors d’une exposition exceptionnelle à Tokyo. C’est ainsi que les shachihoko de Nagoya ont gagné en popularité non seulement au niveau national mais aussi international.
La fusion des deux shachi
Sur cette seconde plaque, les deux Kinshachi sont représentés de manière identique, mais en réalité, les deux Kinshachi de Nagoya se distinguent l’un de l’autre. En effet, la femelle (placée au sud) est un peu plus petite que le mâle (placé au nord), son museau/rostre est plus court, mais elle a un plus grand nombre d’écailles. Par conséquent, si l’envie vous en prend, vous vérifier s’il y a bien 126 écailles sur la femelle contre 112 pour le mâle.
En résumé, la place particulière dans l’histoire de Nagoya et le rôle symbolique des shachihoko expliquent pourquoi il était évident de les représenter sur ces plaques de bouche d’incendie.
Avant de clore cet article, sachez que les shachihoko d’origine ont été détruits lors des bombardements de 1945, mais une partie de l’or qui les recouvrait a pu être retrouvée. Par la suite, pour honorer leur mémoire, cet or a été refondu, en 1967, pour réaliser un shachihoko miniature d’une échelle de 1/20 et une théière (Kin-no-chagama, 金の茶釜). La miniature orne la hampe du drapeau municipal. Quant à la théière, elle est conservée précieusement mais une reproduction est exposée dans le château.
- Cliquez sur le bouton suivant pour retrouver une autre plaque d’incendie partageant quelques points communs avec la première :
Sources et ressources
Photos : Perce-image
Vidéo : Maruhachubu – Nagoya-shi (まるはっちゅ~ぶ(名古屋市))
Pic. 1 à 3 de l’Exposition universelle de Vienne :
– Photos conservée au Musée national de Tokyo
– Illustration du shachihoko à l’exposition de Vienne
– Illustration du shachihoko et histoire de la préparation de l’exposition à Tokyo
LE CHÂTEAU DE NAGOYA
- Pour voir des photos du château tel qu’il était en 1879, voir l’album de Moritomi SAEGUSA conservé au musée Guimet
- La campagne de financement participatif pour la restauration du château de Nagoya
- La restauration du château de Nagoyya
LES SHACHIHOKO
- À propos des traductions de shachihoko :
– marsouin :
Le Japon inconnu : (esquisses psychologiques) / Lafcadio Hearn,… ; trad. de l’anglais… par … Hearn, Lafcadio (1850-1904), p214
– dauphin :
A handbook for travellers in central & northern Japan : being a guide to … Satow, Ernest Mason (1843-1929). Auteur du texte, p114 - Les origines possibles des Shachihoko
- Article en anglais sur l’histoire du château et des shachihoko
- Mâle – femelle et détails de l’histoire
- Le château et des shachihoko
- Les shachihoko
- Les Kin’no-Shachihoko
- La théière en or
EXPOSITION UNIVERSELLE DE VIENNE :
- L’exposition universelle de Vienne, du 1er mai au 31 octobre 1873
- Le jardin japonais de l’exposition universelle de Vienne 1873
- Description de la préparation de la collection japonaise; le Journal Officiel de la république française; 24 février 1873
- L’organisation et de la sélection des pièces exposés par le Gouvernement japonais