Plaques Kokeshi – Partie 3 : Aomori

Après les plaques-kokeshi de Naruko et celles de Tsuchiyu, c’est dans la ville de Kuroishi située au milieu du département et à une vingtaine de kilomètres au sud de la ville d’Aomori, qu’on trouve d’autres plaques figurant une kokeshi. Ici, le style ne porte pas le nom d’une ville thermale mais celui de l’ancien domaine féodal, celui de Tsugaru.

Sommaire

Kuroishi dans le département d’Aomori

Le style Tsugaru

Le style Tsugaru est né des échanges entre les artisans du département d’Aomori et ceux des autres départements du Tôhôku pendant l’ère Meiji (1867-1911). Ce style désigne principalement les kokeshi produites dans les villes de Kuroishi (Kuroishi-shi, 黒石市), le bourg d’Ôwani (Ôwani-machi, 大鰐町) et la ville de Hirosaki (Hirosaki-shi, 弘前市). Il a pour particularité de ne pas avoir de forme ou de motifs clairement définis. Néanmoins, toutes ces poupées ont pour point commun d’être tournée dans une seule pièce de bois et de présenter une coupe au bol (okappa, おかっぱ) simplement peinte.

C’est donc un style particulièrement riche et varié. Parmi les kokeshi Tsugaru on peut distinguer deux grands types : Nuruyu et Owani desquels découlent d’autres types mineurs (Hirosaki et Towada par exemple), apparus au fil du temps et au gré de l’inspiration de chaque nouvel artisan.

Type Nuruyu

Il s’agit du type originel des kokeshi Tsugaru. Il a été créé pendant l’ère Taishô (1912-1925), par Hidetarô Mori (Mori Hidetarô, 盛 秀太郎, 1895-1986), fils d’une famille de menuisiers de Nuruyu-onsen (Nuruyu-onsen, 温湯温泉) dans la circonscription de Kuroishi. Hidetarô Mori souhaitait créer un style représentatif de sa région. Le décor peint sur les kokeshi renvoie donc à l’héritage culturel d’Aomori.

Plaque monochrome de Kuroishi
Kokeshi de style Tsugaru – Plaque monochrome – Photo originale par @Manhoolaa

Motifs aïnou

Les motifs qui ornent le buste des kokeshi Tsugaru sont inspirés de motifs brodés aïnou. Ces motifs traditionnels rappellent que la plupart des Aïnou qui habitaient les régions septentrionales du Japon ont notamment été chassés et invisibilisés par le gouvernement Meiji. Certains foyers ont néanmoins réussi à s’installer dans le département d’Aomori où ils s’efforcent de défendre et transmettre leur culture.

Pivoine

Sous le buste des kokeshi de type Nuruyu on trouve également une pivoine (Botan, 牡丹) qui était le blason de la maison Tsugaru qui était à la tête de la région du même nom, pendant l’époque Edo (1603-1868). La région de Tsugaru correspondait à la moitié ouest du département actuel d’Aomori et comprenait le domaine de Kuroishi qui était gouverné par une branche des Tsugaru.

Daruma

A la place d’une pivoine, on peut aussi trouver un visage renfrogné avec d’épais sourcils, souvent associé à celui du Daruma. Ce visage est emprunté aux figures de papier du festival Nebuta (ねぶた) ou Neputa (ねぷた) célébré au début du mois d’août. Le plus célèbre est évidemment le festival Nebuta de la ville d’Aomori, mais il est aussi organisé dans une vingtaine d’autres bourgs et villes du département d’Aomori. C’est notamment le cas à Kuroishi, où le Kuroishi-Neputa (黒石ねぷた) existe depuis le XVIIIème siècle.

Buste arrondi

Enfin, le type Nuruyu est reconnaissable par sa base large et le resserrement très marqué au niveau de la taille, au-dessus duquel le buste s’élargit en s’arrondissant. C’est d’ailleurs par leur silhouette que les kokeshi du type Nuruyu se distinguent des kokeshi du type Owani dont le corps est rectiligne et semble parfois ne pas avoir de cou.

Le musée des kokeshi Tsugaru

La présence de plaques figurant des kokeshi dans la ville de Kuroishi, s’explique également par celle du musée des kokeshi Tsugaru (Tsugaru-kokeshi-kan, 津軽こけし館) qui y a été inauguré en 1988.

La poupée représentée sur ces plaques possède les caractéristiques du type Nuruyu : coiffure okappa, nez en U, petite bouche, ornements en demi-cercles et points sur le torse, forme du corps resserrée au niveau du cou et de la taille.

Cependant, la moitié inférieure n’est pas représentée, donc on ne peut pas dire si elle présente une pivoine ou le visage de Daruma. De plus, sous le buste, un symbole géométrique inclus dans un cercle a été ajouté. Ce symbole n’est pas une représentation stylisée d’un kanji 亞. Il s’agit du logo de la ville de Kuroishi.

Aparté sur le logo de Kuroishi

A l’origine, ce symbole est l’un des Douze Ornements utilisés en Chine sur les habits officiels de la cour impériale. Ce motif, appelé futsu (黻) en japonais, symbolise la capacité de faire la distinction entre le bien et le mal. Il apparaissait sur la bannière de guerre du domaine de Kuroishi (Kuroishi-han, 黒石藩, 1656-1871), dont le quartier général administratif occupait l’emplacement actuel de la ville de Kuroishi. Cet emblème est ensuite devenu celui du bourg de Kuroishi en 1889, puis il a été conservé quand le bourg a fusionné avec les villages voisins pour former la ville de Kuroishi, en 1954.

Une kokeshi haute en couleur

Il existe une version polychrome de ce design où cette kokeshi est mise en valeur par les différentes couleurs de ses motifs :

des rayures et des demi-cercles rouges autour du cou et sur le torse,
deux rayures bleu autour de la taille,
deux rayures vertes et une rouge à la base.

aperçu d'une kokeshi tsugaru en couleur
Schéma d’une Kokeshi Tsugaru – Détail colorisé des plaques de Kuroishi
Plaque polychrome de Kuroishi
Kokeshi de style Tsugaru – Plaque monochrome – Photo originale par @y8_dondanzoo

Exceptionnellement, les cheveux sont gris pour qu’ils ressortent sur le fond noir de la plaque. Le visage est plus pâle que le reste du corps, mais ils laissent habituellement voir la couleur naturelle du bois.

Comme sur les autres kokeshi de styles traditionnels, les rayures sont peintes sur le tour à bois, alors que les autres motifs sont ensuite peints à la main. Voici un exemple de la fabrication des kokeshi Tsugaru de type Nuruyu :

Vidéo de la fabrication de kokeshi Tsugaru

Les pommes et le riz de Kuroishi

De chaque côté de la kokeshi, de manière symétrique, on retrouve en bas en jaune trois épis de riz et en haut deux pommes rouges, surmontées de feuilles vertes.

Si des pommes et du riz ornent le reste de la plaque, ce pourrait être parce que ces deux produits agricoles sont les plus cultivés à Kuroishi, ou alors parce qu’une fête des pommes (Ringo-matsuri, りんご祭り) y est habituellement organisée en novembre, depuis 1990.

Mais plus précisément, ce design illustre un extrait de la Charte du cityoen de Kuroishi, rédigée le 1er juillet 1984, dans laquelle les trois fiertés de Kuroishi sont citées :

« Les pommes, le riz et les sources thermales » (Ringo-to-kome-to-ideyu, 「りんごとこめといで湯」)

La prochaine partie de notre quête nous emmène hors du Tôhoku, dans le département de Gunma.

Sources et ressources

Photos : Auteurs indiqués sous chacune d’elle
Illustration : Perce-image

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