La ville de Kusatsu (Kusatsu-onsen, 草津温泉) est nichée dans les montagnes du département de Gunma. Vous pouvez vous y rendre en hiver pour skier ou au printemps pour golfer mais quels que soient vos centres d’intérêt, je vous recommande ses nombreux bains thermaux car ce n’est pas pour rien que Kusatsu-onsen fait partie des trois villes thermales les plus célèbres du Japon, avec Arima-onsen (有馬温泉, Hyogo) et Gero-onsen (下呂温泉, Gifu).
On a inventé l’eau tiède
Au cœur de cette station, un « champ d’eau chaude » (yubatake, 湯畑) s’étend sur 60m de long et 20m de large, soit 1600m2. Chaque minute, 4600 litres d’eau circulent dans sept longs canaux en bois qui permettent de refroidir l’eau brûlante (dont la température peut aller de 50°C à 95°C) sans y ajouter d’eau froide. Elle est ensuite distribuée aux établissements de bains un peu partout dans la ville. C’est une spécificité de Kusatsu qui crée une ambiance très agréable en particulier quand il fait froid.
Après un bon bain relaxant, c’est au cours d’une promenade dans les alentours de cette ville que j’ai découvert une plaque de regard de chaussée d’apparence très simple, mais qui possède une petite énigme que je vous propose de résoudre.
Les jeux de la langue japonaise
Cette plaque est percée de multiples ouvertures et on aperçoit en son centre le caractère, ou kanji, signifiant « pluie » (ame, 雨), ce qui explique la fonction de cette plaque et la présence des ouvertures. Néanmoins, un katakana (caractère d’écriture d’un des deux syllabaires japonais) est répété tout autour de ce kanji, le katakana sa (サ).
Ce katakana n’est certainement pas là sans raison, mais la répétition « sasasasasasasasasa » n’a pas de sens et encore moins de rapport avec le bruit de l’eau qui coule ou de la pluie qui tombe.
La solution réside peut-être dans le nombre de katakana : il y en a neuf. En japonais, vous pouvez jouer avec les mots mais aussi avec les chiffres pour créer des sortes de rébus numériques. Le chiffre 9 peut être lu de plusieurs manières : kokonotsu, ko, kyû, ku, ou parfois en anglais nine. Et voilà, vous voyez la solution à notre problème ?
Ce n’est donc pas « sasasasasasasasasa » mais « ku-sa » (9sa) comme dans « Kusatsu ».
Voilà, le petit mystère est résolu, mais pour ceux que ça intéresse, voici pourquoi Kusatsu s’appelle ainsi.
Une étymologie sulfureuse
L’origine du nom « Kusatsu » remonte au XIIème siècle, il dérive du surnom « eau qui sent (fort)» 臭う水 (kusauzu, くさうず ou kusouzu, くそうず). Encore aujourd’hui, si vous vous rendez sur place, vous sentirez l’odeur de souffre émanant des sources chauffées par le volcan Shirane (白根山). En contrepartie de cette forte odeur, les eaux de Kusatsu ont des vertus curatives qui ont fait la renommée de la ville, connue à travers tout l’archipel dès le XIVème siècle.
Depuis le premier décret sur les toponymes (Kôji-niji-rei, 好字二字令, en 713), les noms de lieux doivent être écrits de préférence en deux kanji à la signification jugée agréable. Pour dissimuler le surnom odorant de « kusauzu / kusouzu », on employa donc des kanji plus consensuels mais phonétiquement proches : le kanji de l’herbe (kusa, 草) et celui du port (tsu, 津). C’est ainsi que nous sommes passé de la ville de « l’eau qui sent fort » au « port de l’herbe ».
Enfin, avant de nous quitter, voici un petit aperçu de la ville :
Sources et ressources
Photo : Perce-image
Vidéo : 草津温泉観光協会
PL / DP / ED : Yuki Eikawa
MU : [.que] Nao Kakimoto
PR : Yoji Nomura
PM : Motonari Baba
Production : 西日本新聞メディアラボ
- À propos des lectures des chiffres en japonais
- L’étymologie des toponymes japonais
- L’histoire de Kusatsu
- Le « champs d’eau chaude »
- À propos du nom de Kusatsu :
– https://books.google.fi/books?id=ldoPAQAAMAAJ&q=日本地名++草津温泉&dq=日本地名++草津温泉&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi4qpafsNDYAhXHh6YKHcnXBX0Q6AEIOzAD
– https://books.google.fi/books?id=lXnFBwAAQBAJ&pg=PT60&dq=日本地名++草津温泉&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi4qpafsNDYAhXHh6YKHcnXBX0Q6AEIJzAA#v=onepage&q=日本地名%20%20草津温泉&f=false
– https://books.google.fi/books?id=XYJUAAAAMAAJ&q=日本地名++草津温泉&dq=日本地名++草津温泉&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi4qpafsNDYAhXHh6YKHcnXBX0Q6AEIQzAE - Complément sur le Décret de 713 :
– https://fr.wikipedia.org/wiki/Chronologie_du_Japonhttps://en.wikipedia.org/wiki/Place_names_in_Japan - Complément lectures sur les noms en 2 kanji :
http://flyingbird14.web.fc2.com/newpage9.htmlhttps://japanknowledge.com/articles/blogjournal/howtoread/entry.html?entryid=4http://www.kin-imai.com/pdf/1300_kotoba.pdf?201609http://www.bunka.go.jp/seisaku/bunkashingikai/kokugo/kanji_kako/08/pdf/haihu_1.pdf
Le rébus, si je puis dire, est bien trouvé ! Connaissant les Japonais et leur goût pour les jeux de mots, je ne suis pas surprise 🙂