Les cerisiers de Tokyo

La floraison des cerisiers est un évènement national au Japon. De mars à avril, l’archipel se pare de fleurs dont les pétales finissent par couvrir le sol comme une neige printanière. La fleur de cerisier est si importante dans le cœur des Japonais qu’elle est la fleur emblématique du pays, au côté du chrysanthème impérial. En raison de sa popularité, elle est associée à de nombreuses villes du Japon mais Tokyo a une place particulière dans l’histoire de ces cerisiers, en voici la preuve.

La fleur aux cinq pétales

Plaque d'Adachi figurant des cerisiers
Photo 1 : plaque de regard de chaussée du quartier d’Adachi, Tokyo.

Dans l’arrondissement d’Adachi, au nord de Tokyo, on trouve des plaques où se battent des grenouilles et d’autres couvertes de fleurs (photo 1). Au centre de ces plaques, on trouve le logo de l’arrondissement : un triangle rappelant la lettre A. Sur chaque côté de ce logo, trois masses de fleurs bleutées sont représentées sur un fond de pétales blancs.

Ce sont des fleurs de cerisier (sakura, 桜) car c’est l’arbre emblématique de cet arrondissement. Quand on parle de cerisiers au Japon, on pense généralement à une variété particulière : le somei-yoshino. Ce qui rend cet arbre unique par rapport à d’autres cerisiers, ce sont ses fleurs a cinq pétales fendus qui fleurissent avant l’apparition des premières feuilles.

On retrouve cet arbre un peu partout au Japon mais saviez-vous qu’il était originaire de Tokyo ? C’est pour cela que sa fleur a été choisie en 1984 pour être un des emblèmes de la ville.

Les emblèmes de la capitale

Le cerisier somei-yoshino (染井吉野) a d’abord été commercialisé sous le nom de cerisier Yoshino (Yoshino-zakura, 吉野桜). Il était censé provenir du Mont Yoshino, un site réputé pour ses cerisiers ancestraux, dans la région de Nara. Cependant, au début du XXe siècle, après avoir découvert qu’il s’agissait d’une espèce de cerisiers différente de ceux du Mont Yoshino, la nomenclature de ce nouvel arbre a été corrigée en y accolant le nom du village Somei : l’ actuel quartier de Komagome dans l’arrondissement de Toshima, à Tokyo, où il a été créé.

Localisation du quartier de Komagome à Tôkyô

En effet, au début de l’époque Meiji ce nouvel arbre était très prisé du fait de sa croissance rapide et de sa floraison abondante. C’est à cette époque qu’il a été très largement planté à travers le Japon. Jusque là l’espèce la plus répandue était le yamazakura. Cette espèce toujours très répandue pousse toujours à l’état sauvage. Comme le somei-yoshino ses fleurs ont cinq pétales néanmoins les premières feuilles apparaissent pendant la floraison et non après celle-ci.

Plaque de la ville de Tokyo - une grande fleur de cerisier en plein milieu ; quatre feuilles de gingko biloba ; une corole composée de silhouettes d'oiseaux
Photo 2 : plaque du réseau d’eau pluviale, les emblèmes de Tokyo, courtesy of @tokyomanhole

La fleur de tôkyô

La fleur du somei-yoshino, est mise en valeur sur certaines plaques de regard de chaussée de Tokyo. Sur cette plaque (photo 2) on ne peut pas manquer cette grande fleur de cerisier qui occupe presque toute la surface. On remarque également quatre feuilles de gingko, une entre chaque pétale, disposées de manière symétrique de chaque côté de l’axe médian. Pour finir, tout autour de la fleur se dessine une corolle formée de 14 perforations reliées par 13 silhouettes d’oiseaux.

L’arbre de Tôkyô

Le gingko (ichô, イチョウ) est l’arbre emblématique de la ville depuis 1966. Les silhouettes d’oiseaux représentent des mouettes rieuses (yurikamome, ユリカモメ), l’oiseau emblématique de Tokyo depuis 1965. Ces trois emblèmes se retrouvent également sur les plaques de regard de chaussée installées dans les parcs municipaux de Tokyo.

La floraison des parcs publics

Plaque des parques municipaux de Tokyo ; des fleurs de cerisier, une mouette et des feuilles de ginko biloba y sont représentés
Photo 3 : Plaque des parcs municipaux de Tokyo

Sur cette plaque (photo 3), on voit effectivement six fleurs de cerisier épanouies dans la moitié supérieure et deux fleurs encore en bouton du côté gauche. Dans la moitié inférieure droite, une mouette rieuse déploie ses ailes. A gauche, sept feuilles de gingko décrivent une spirale en étant superposées. Les inscriptions sur la plaque signifient en bas « parc municipal » (toritsukôen, 都立公園) et en haut « basse tension » (teiatsu, 低圧). Il s’agit donc d’une plaque d’accès au réseau électrique du parc.

Le parc d’Ueno

Un des parcs tokyoïtes le plus célèbre est celui d’Ueno. Depuis le XVIIe siècle, on se rend à Ueno pour y admirer la floraison des cerisiers mais ce n’était pas encore le parc qu’on connaît aujourd’hui. En effet, ce n’est qu’en 1873 que le gouvernement de Meiji a proclamé que chaque département devait avoir des parcs publics. C’est d’ailleurs à cette occasion que le terme de parc public (kôen, 公園) a été créé. On a alors choisi d’anciens lieux réputés pour leur beauté où les gens se rassemblaient déjà en grand nombre. C’est ainsi que la colline d’Ueno est devenue un parc public.

Une quarantaine d’espèces ou variétés de cerisiers fleurissent chaque année dans le parc d’Ueno. Bien entendu, les plus célèbres sont les somei-yoshino qui bordent ses allées.

Des cerisiers en danger

Plaque du réseau électirque de parc d'Ueno représentant des branches de cerisiers en fleur, des pétales volent vers la droite
Photo 4 : Plaque du parc d’Ueno

Le parc d’Ueno a le privilège de posséder ses propres plaques de regard de chaussée (photo 4). Là encore, il s’agit d’une plaque du réseau électrique comme le signalent les caractères inscrits en bas signifiant « basse tension » (teiatsu, 低圧). A leur gauche, on trouve le logo de Tokyo, une feuille de gingko en forme de T. Enfin, sur le reste de la plaque, on voit des branches de cerisier en fleur et des pétales emportés par le vent. Cinq pétales par fleur et aucune feuille, il s’agit bien de somei-yoshino.

Le traditionnel somei-yoshino

Jusque récemment, près de 90% des cerisiers à Ueno était des somei-yoshino. Cependant, depuis quelques années certains experts s’inquiètent de l’avenir de cette variété car des études ont montrés que tous les somei-yoshino sont des clones du même individu, ce qui les rends vulnérables aux parasites et aux maladies liées au vieillissement.

À Ueno, les arbres ont été replantés en 1964 pour les Jeux olympiques de Tokyo, les somei-yoshino ont donc une cinquantaine d’années et sont en train de décliner. En tant que clones, les arbres ne rejettent pas les branches de leurs jumeaux, ce qui permet de créer de magnifiques allées couvertes de fleur sans discontinuité. Cependant, c’est aussi ce qui provoque l’étouffement de certaines branches et l’affaiblissement des arbres. Ce qui est vrai pour Ueno est valable pour l’ensemble du pays.

Une nouvelle variété de cerisiers : jindai-akebono

Fort heureusement, depuis 2009, les somei-yoshino ne sont plus cultivés et sont progressivement remplacés par des cerisiers de la variété jindai-akebono (ジンダイアケボノ). Cette variété a été importée des États-Unis en 1965. Elle est issue d’un croisement entre les somei-yoshino qui avaient été offerts à Washington D.C. en 1912 et une autre espèce de cerisier. Les cerisiers jindai-akebono sont plus résistant aux infections tout en ayant une floraison assez similaire à celle des somei-yoshino dont ils partagent une partie des gènes.

Voici à quoi ressemblent ces cerisiers :

Les cerisiers jindai-akebono en fleur

Sources et ressources

Photos 1, 3 et 4 : Perce-image
Photo 2 : courtesy of @tokyomanhole

Vidéo : 田中憲司

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