Maintenant que nous avons découvert une petite partie du Tôhoku en suivant les PokéPlak des départements de Fukushima, Miyagi, Iwate et Aomori, je profite de l’occasion pour insérer cette série d’articles car son thème est intimement lié à cette région du Japon.
Sommaire
- Introduction aux kokeshi
- Naruko Onsen
- Naruko : le berceau des kokeshi
- Sources et Ressources
- Commentaires
Introduction aux kokeshi
Il y a maintenant plusieurs mois déjà, j’ai eu l’opportunité de lire Kokeshi, L’art des poupées japonaises, éditions Sully – Le Prunier, 2019, de Laetitia Hébert (aka Folkeshi sur les réseaux).
Si vous avez aussi lu ce livre, vous savez qu’une plaque d’égout y est mentionnée. Je vous propose donc de vous la présenter dans cet article et de vous faire découvrir les autres plaques japonaises où apparaissent des kokeshi.
Si vous ne l’avez pas encore lu, voici l’extrait qui nous intéresse :
“Un dicton japonais dit que “les kokeshi commencent et finissent avec Naruko” (kokeshi ha naruko ni hajimari naruko ni owaru). Il est vrai que Naruko Onsen (anciennement Narugo) est la localité du Tôhôku qui rassemble le plus grand nombre d’artisans kokeshi. C’est aussi la ville la plus “kokeshisée” du Japon ! Le tourisme lié aux poupées kokeshi y bat son plein. Les éléments urbains sont déclinés à l’effigie de la spécialité locale : luminaires, panneaux, taxis, cabines téléphoniques, boîtes postales, bains de pieds, plaques d’égouts sont à l’image des kokeshi Naruko.”
Laetitia Hébert, Kokeshi, L’art des poupées japonaises,
éditions Sully – Le Prunier, 2019, p.36
C’est donc tout naturellement à Naruko Onsen que nous démarrons cette quête annexe.
Naruko Onsen
La ville thermale de Naruko (Naruko Onsen, 鳴子温泉) est située dans le département de Miyagi, au nord-ouest du bourg de Kami où nous étions passé en suivant les PokéPlak de Lokhlass.
Le style Naruko
Les kokeshi traditionnelles de Naruko émettent toutes un couinement quand on fait tourner leur tête, mais voici quelques repères pour les reconnaître quand on ne peut pas les toucher. Traditionnellement, ces kokeshi peuvent avoir trois formes.
Tachiko (たちこ)
Cette forme représente un enfant qui se tiendrait debout. Globalement elle correspond à l’image générale des kokeshi : un corps plus ou moins cylindrique surmonté d’une tête plus ou moins sphérique. Elle se distingue par son fût cylindrique qui se resserre à mi-hauteur et se finit par des épaules arrondies soulignées d’un rebord plus ou moins marqué. Sa tête est à peu près sphérique.
Nemariko (ねまりこ)
Puisqu’elle représente un enfant assis, elle est généralement moins grande que les tachiko. La forme de son corps, étalée à la base et moins large aux épaules, peut faire penser à une poire. Comme pour les tachiko, les épaules sont soulignées par un rebord. En revanche, sa tête est d’un diamètre proche de celui des épaules, ce qui accentue sa ressemblance avec une poire.
Ejiko (えじこ)
Elle représente un enfant dans un panier. De taille assez proche des nemariko, cette forme s’en distingue par la forme de sphère aplatie du corps. Au sommet du panier, la petite tête de la kokeshi repose sur des épaules arrondies comme pour les tachiko et les nemariko. Néanmoins, le diamètre au niveau des épaules est nettement moins large que celui de la partie inférieure, comme si la poupée était effectivement enfoncée dans un grand panier rond.
Quelques coups de pinceaux
Un visage minimaliste
Le visage d’une kokeshi Naruko est peint en 7 à 9 coups de pinceaux. Des sourcils en forme de parenthèses horizontales. Une autre parenthèse pour la paupière. Souvent, un point pour l’œil dans le creux sous la paupière. Un nez en “U” plus ou moins allongé. Un petit trait horizontal au-dessus d’un autre plus petit pour évoquer les lèvres.
Ces kokeshi, sont coiffées à la manière des très jeunes enfants de l’époque Edo. On peut retrouver une coiffure similaire sur une estampe représentant de jeunes filles, gravée par Kiyonaga Torii autour de 1801. Sur les kokeshi, plusieurs coups de pinceaux forment la frange relevée et attachée en l’air au sommet du front. Puis deux ou trois coups de pinceaux dessinent chacune des deux mèches qui encadrent le visage.
Un corps bien délimité
Quelle que soit la forme de la kokeshi de style Naruko, son corps est traditionnellement délimité en haut et en bas par des rayures parallèles. Ensuite, des motifs ornementaux sont peints sur l’avant de la poupée. Parmi ces motifs on trouve des fleurs : chrysanthèmes, iris ou œillets, mais aussi des feuilles d’érable.
Fleur impériale et symbole de longévité, le chrysanthème est la fleur qui possède le plus de variations parmi les motifs qu’on trouve sur les kokeshi de Naruko. Il peut être représenté vu de dessus ou de côté, en bourgeon, grand ouvert en forme de moulin ou en losange. Sur les nemariko et les ejiko, il n’y a généralement qu’un seul chrysanthème. En revanche, sur les tachiko, puisqu’il y a plus de place, deux ou trois chrysanthèmes peuvent être associés l’un au-dessus de l’autre. Quand plusieurs chrysanthèmes sont empilés, le motifs s’appelle alors kasane-kiku (重ね菊)
Naruko : le berceau des kokeshi
Sur des plaques de Naruko Onsen, on trouve effectivement des kokeshi. Sur certaines plaques on peut lire la mention :
Naruko berceau des kokeshi et des bains thermaux (Ide-yû to / kokeshi no sato Naruko, いで湯と / こけしの里鳴子).
Sur l’anneau où le texte est inscrit, les deux segments sont séparés à droite et à gauche par un gros point ainsi que deux petites silhouettes de kokeshi tachiko tête-bêche : tête en haut à l’extérieur, tête en bas à l’intérieur.
Les deux tachiko de Naruko
Il existe une version simple sans inscription sur des bouchons de plus petit diamètre. Elle reprend exactement la partie centrale des grandes plaques. On y voit la moitié supérieure de deux kokeshi de forme tachiko. Le fond en damier est un élément décoratif mais il permet surtout d’augmenter l’adhérence sur la plaque.
La première kokeshi penche vers la droite et cache en partie le fût de la seconde qui penche vers la gauche. Les deux poupées semblent identiques, mais on ne voit qu’un petit bout des motifs peints sur le fût de la deuxième.
Leur forme correspond bien à celles des tachiko de Naruko : une tête presque ronde, des épaules arrondies soulignées par un rebord un peu plus large. De plus, au-delà de la forme on retrouve la frange relevée et attachée au-dessus du front, ainsi que les deux mèches qui encadrent le visage.
Tout comme sur les vraies poupées, beaucoup de soin et de délicatesse sont portés au visage. Les yeux sont composés d’une pupille surmontée d’une paupière. Le nez en U est court. En revanche, la bouche est ici représentée d’un seul tenant et un peu plus pulpeuse sans doute pour être mieux visible.
Les deux rayures pleines au niveau des épaules représentent les rayures rouges peintes en haut du fût des kokeshi de Naruko. Enfin, la fleur représentée est un chrysanthème mais comme on ne voit que le haut des kokeshi, il pourrait y avoir une ou deux fleurs dans la partie inférieure.
“Les kokeshi commencent et finissent à Naruko”
Les premières kokeshi de Naruko ont été créés vers la fin de l’époque Edo (1603-1868) par Matagorô Ônuma (Oonuma Matagorô, 大沼又五郎, 1824-1889). Elles ont la réputation d’être les plus anciennes kokeshi, mais en réalité elles seraient contemporaines du style Tsuchiyu (entre 1830 et 1844), et ce seraient les styles Sakunami et Togatta qui auraient été créés les premiers entre 1804 et 1830. Elles étaient vendues comme souvenirs aux visiteurs des bains et sources chaudes. Plusieurs styles traditionnels se sont développés et ont généralement été associés au nom de la ville thermale où ils sont apparus.
Contrairement au dicton cité au début de l’article, si les kokeshi ont effectivement commencé à Naruko, tant que les artisans perpétueront ces techniques, ce n’est probablement pas ici qu’elles finiront. D’autant plus qu’à côté des kokeshi de styles traditionnels, les artisans créent aussi de nouveaux modèles dans des styles personnels.
Pour ceux qui souhaitent découvrir à quoi peuvent ressembler des kokeshi créatives et soutenir cet artisanat, vous pourrez visiter les ateliers sur place ou commander des kokeshi parmi les sélections de certaines passionnées comme Asian Nomad ou encore Folkeshi.
Pour conclure et illustrer cette première partie, voici comment une kokeshi Naruko est fabriquée :
Vidéo de la fabrication d’une kokeshi Naruko – atelier Sakurai
La découverte des plaques-kokeshi continue dans le département de Fukushima
Sources et ressources
Photos : Propriétaire indiqué sous chaque photo
Illustrations : Perce-image
Kokeshi, L’art des poupées japonaises, Laetitia Hébert, éditions Sully – Le Prunier, 2019
- Biographie Ônuma Matagorô
- Croquis des 11 styles (avant 2018)
- Les styles traditionnels de Miyagi
- Histoire des kokeshi Naruko
- Coiffures d’enfants sur des gravures de l’époque Edo
- Sources de l’estampe de Kiyonaga Torii : Détails tirés des estampes suivantes :